Le Chemin de Compostelle en France. Via Podiensis: Du Puy-en-Velay à Cahors

Pour sortir de Limogne-en-Quercy, le GR65 gagne la périphérie sur les hauts du village.

Dans cet univers de lande et de sécheresse, ce sont toujours les mêmes arbres que l’on croise, ceux des causses. Le chêne reste l’arbre dominant, le roi extrêmement puissant. Mais l’érable champêtre et l’érable de Montpellier y font aussi leur place, ainsi que le frêne quand le pays s’ouvre un peu. Les charmes et les châtaigniers sont rares dans la région, si ce n’est parfois un peu de charmille le long des haies.

Et les murs de pierre sèche défilent à nouveau, les uns après les autres. Dans cette magnifique ruine uniforme, qui tient encore debout, peut-être une grange, un peu plus grande qu’une “gariotte” ordinaire, même le toit est fait de pierres de calcaire gris.

Parfois, les chênes se tordent, poussent souvent de travers pour trouver un peu de lumière, et les futaies imposent des pénombres de silence. Ici la “gariotte” n’a su résister aux affres du temps.

A la sortie de la forêt, la grande ferme de Pech Canot jalonne le chemin.

La compagnie d’électricité du Lot, prend ici le pari du développement durable. Bravo.

A quelques encablures de là, le GR65 quitte la route pour retrouver un large chemin de terre battue.

Et rien ne change, le long de cette grande avenue. Rien de superflu par ici, n’écouter que le silence des arbres, voilà le programme.

Plus loin, après quelques maigres champs de céréales, le chemin retourne vers un sous-bois plus fourni.

Tout s’orchestre alors à nouveau dans l’harmonie sereine et calme de la forêt paisible, dans la symphonie de couleurs que la lumière jette sur les chênes aux branches noueuses, ou sur la mousse fanée des murets de pierre.

La forêt reste un des derniers bastions de liberté à ne pas toucher. Le silence et la solitude pour l’instant ne se vendent pas. Sait-on si un jour on devra les payer à prix d’or ?

Puis le GR65 retrouve une petite route goudronnée.

Nous sommes à 1 kilomètre de Varaire et le GR65 suit la route qui y mène.

La route monte un peu dans la campagne jusqu’au village.

En montant, on aperçoit le clocher du village, et la route atteint le carrefour des Ecoutilles.

Le GR65 frôle Varaire (311 habitants), mais ne s’y arrête pas. Faites le détour. Le bourg le mérite. On peut se loger à Varaire, où on trouve aussi à se restaurer, ce qui mérite d’être signalé, car ce type d’infrastructure n’est pas abondant sur l’étape.

Au cœur du village repose un divin “lavoir à papillons”, dans lequel les canards barbotent dans l’eau verdâtre. C’était le vivier des Cardaillac, une célèbre famille tentaculaire, qui a essaimé dans de nombreux endroits des causses. Il y avait autrefois un hôpital joint à une église, connu sous le nom de St Jacques de Peyronèse, qui accueillait les pèlerins, au bord d’une ancienne voie romaine, appelée ici “Cami Gasco”, celle qui précède le “Cami Ferrat”, après Bach. L’histoire relève aussi que deux auberges recevaient les voyageurs au Moyen-âge.

L’église St Barthélemy, du XVème siècle, agrandie au XIXème siècle, est très lumineuse, dans ses calcaires gris et roses. On a ici d’assez belles statues de saints.

Certains pèlerins seront surpris par le côté kitch de la Vierge qui repose dans une alcôve près de l’église. Serrées autour de son église, de belles maisons de pierre, certaines en allure de forteresse, s’enroulent autour de la seigneuriale demeure des Cardaillac et de son gigantesque pigeonnier.

Il faut retourner aux Ecoutilles, pour continuer le chemin.

Le GR65 sort des Ecoutilles sur le goudron, le long de ces magnifiques murs de pierre couverts de mousse, qui longent chemins et routes sur les causses. Si dans le haut de causses, ce sont surtout de petits chênes pubescents qui hantent les forêts, dès que l’on descend plus bas, la végétation est plus complexe. Les grands chênes blancs sont plus nombreux, mais on retrouve en assez grande quantité le noyer, le frêne, l’érable champêtre et l’érable de Montpellier, ces deux derniers arbres étant très communs dans les causses.

Le GR65 passe encore sur la route près d’une sorte de petit château perdu dans les arbres, puis gagne le chemin de terre, sous les haies de chênes et d’érables.

Encore une belle maison de pierre au bord du sous-bois, et le chemin retrouve la majesté du causse. Peu à peu le chêne reprend son rôle de maître des causses.

Alors le chemin, toujours magnifique, défile pendant des kilomètres, au milieu des arbres, dans une forêt assez clairsemée, cernée des murets de pierre. Comme toujours, la magie opère en ces lieux.

Que dire de plus, si ce n’est écouter le silence. Il n’y a pas d’eau par ici. C’est sec à l’os.

Toute cette région est incluse dans le Parc Naturel Régional des Causses du Quercy. Elle fait partie d’un gigantesque géoparc mondial reconnu par l’UNESCO depuis 2017, un espace protégé pour son patrimoine de pierres sèches, de son pastoralisme actif et de son univers minéralogique et paléontologique.

L’église de L’Assomption remonte à un bâtiment du XIIème siècle, dont il ne reste quasiment rien. Elle fut refaite au XVème et au VIème siècle, puis transformée au XIXème siècle.

Le GR65 quitte le village par la route qui se dirige vers Vaylats.

Peu après, il quitte la route pour un chemin en direction de Cahors et de Vaylats. On signale rapidement la possibilité de se loger à Vaylats ou dans les yourtes de Bascot, un logement assez récent sur le parcours.

Ici c’est le Cami ferrat, le chemin de César et des armées romaines vers Cahors sur le GR65.

Le paysage ici n’est pas le plus beau du causse. Ce sont de très longs bouts droits sur une plaine qui ressemble à une steppe.

Plus loin, la nature redevient plus charmante quand le chemin se rapproche de la forêt.

Le chemin arrive bientôt à un carrefour qui permet de gagner Vaylats. Le GR65 part tout droit sur le Cami ferrat. On le rejoindra le lendemain à la sortie de Vaylats.

Le raccourci long un peu le bois…

…avant de retrouver la large plaine .

La terre est sans doute un peu moins ingrate par ici, car on note quelques cultures.

Le large chemin continue ainsi, jusqu’à trouver un chemin étroit à l’entrée de Vaylats.

Le chemin débouche à l’entrée du village.

Il y a un parc boisé au milieu du village. L’église actuelle de St Pierre es Liens, de style néoroman, est une reconstruction de la fin du XIXème siècle. Elle remplace, sur le même site, une église gothique de la fin du XVème siècle.

Il y a aussi une boulangerie-épicerie-café, mais surtout un immense et splendide couvent construit à la fin du XIXème siècle, à l’emplacement d’un ancien château détruit à la révolution. C’est le magnifique Couvent des Filles de Jésus, qui sert aussi de logement.

Jadis, il existait ici une communion entre les pèlerins, le personnel bénévole et les sœurs. Une chose n’a pas changé. Tout est fait pour aider le pèlerin. Une grande laverie est à disposition. Par contre, il est n’est pas possible de cuisiner. L’intendance vous fait la visite des lieux. On conseillait au pèlerin d’assister à l’office à 6 heures précises. Vous aviez le privilège d’entendre les sons fêlés qui sortent de l’harmonium ou des glottes fatiguées des vielles sœurs. A 7 heures tapantes, c’était l’heure du repas, partagé avec les sœurs. Il y avait parfois plus de 30 personnes dans le réfectoire. Surprise ! Les sœurs buvaient du vin rouge. Le repas commençait par une soupe claire et peu de légumes. On voyait des sourires se dessiner sur les lèvres d’une grande majorité de pèlerins. Suivait alors un plat d’une très grande simplicité, souvent des pâtes, servi par les bénévoles avec une très grande gentillesse et en toute communion. C’était aussi cela le Chemin de Compostelle.

Mais voilà ! Le Covid est passé par ici aussi, qui a décimé un grand nombre de sœurs. Alors, elles ne sont plus présentes au repas. Mais il n’y a pas que cela qui a changé. L’édifice s’est complexifié, géré de manière plus professionnelle. Jadis, ce n’était qu’un gîte. Aujourd’hui, il y a des chambres d’hôtel, de deux catégories, certaines à un tarif pèlerin, d’autres à un tarif touriste, ce qui complique évidemment l’intendance, car le tarif et le menu ne sont pas les mêmes. Et, cerise sur le gâteau, il y a même des pensionnaires, âgés pour la plupart, qui vivent une vie séparée dans le couvent. On en vient à regretter l’ambiance d’autrefois. Dommage !

Le soir descend sur Vaylats. Il est temps de faire une promenade digestive dans le magnifique parc qui jouxte le couvent. Au cimetière, les sœurs sont enterrées, côte à côte, par groupes de trois à cinq. Il n’y a ni patronyme ni dates de naissance ou de décès. Seul le nom des sœurs apparaît gravé sur les pierres tombales. L’heure du couvre-feu approche. Il est temps de gagner les chambres. Les portes du couvent vont se fermer pour la nuit. Il est 8 heures du soir. Bonne nuit ! Mais il faudra être à l’heure pour le petit déjeuner. A 7h précises. On ne badine pas avec l’horaire dans les couvents.